lundi 5 août 2013

L'Angélus





ne petite cloche, qu'on ne voyait pas, vint à tinter tout près de là. Ce n'était pas la faible clochette d'une de ces mousseuses chapelles d'ermite, bâties jadis dans les profondeurs des bois, car les églises ne se rouvraient point encore. C'était la tinterelle de quelque hutte de sabotier qui marquait les heures et la fin du travail et de la journée. Mais pour Marie Hecquet, cette femme antique, restée ferme de cœur dans la religion de ses pères et dans les souvenirs de son berceau, ces sept heures sonnant, n'importe où, étaient demeurées l'heure bénie qui descendait autrefois des clochers, à présent muets, dans les campagnes, et qui conviaient à la prière du soir. Aussi, dès qu'elle les entendit, elle laissa retomber au fond du baquet les linges qu'elle tordait et qu'elle allait étendre au noisetier voisin, et portant sa vieille main mouillée à ce front jaune comme le buis aux yeux des hommes, mais pur comme l'or aux yeux de Dieu, elle se mit, la noble bonne femme, à réciter son Angélus.

Jules Barbey d'Aurevilly, L'Ensorcelée.

vendredi 21 juin 2013

La voie royale du Christ !



a voie royale du Christ est une voie chevaleresque, romanesque, pleine de feu et de passion : nous chevauchons de fougueux purs-sangs qui galopent joyeusement, les naseaux fumants, et nous lançons, dans un gai cliquetis d'armes, le cri de Roland et d'Olivier : Montjoie ! Notre Église est l'Église de la passion.



John Senior, in Restauration de la culture chrétienne.

mercredi 19 juin 2013

L'Innocence et le Repentir




L'innocence, dit-on, perdit sa blanche robe;
Quand elle vient à s'endormir,
La volupté parfois la lui dérobe;
Confuse et ne pouvant plus se voir sans rougir,
Dès le même jour, l'innocence
Vient la redemander, mais sans rien obtenir,
Au travail, à l'aumône, au jeûne, à l'abstinence.
Un seul put la lui rendre, et c'est le repentir.

mardi 18 juin 2013

L'Amour, le Péché, la Douleur




e problème de la Vie, disais-je, est le problème de la Douleur. C'est encore mal parler. Tout le problème de la Vie tient à l'aise dans celui du Péché. Qu'est-ce donc que le Péché ? Une transgression à la loi ? Sans doute, mais que voilà une pauvre abstraction ! Au lieu que vous aurez tout exprimé de lui quand vous l'autre nommé de son nom : un déicide.

     Quand le péché n'était qu'une transgression à la loi, sa répression si sévère était incompréhensible, mais il est d'abord un crime contre l'Amour. Le sacrifice de la Croix n'est plus seulement un sacrifice compensatoire, car la justice n'est plus seule intéressée, n'étant pas la seule outragée : au crime contre l'Amour, l'Amour répond à sa manière et selon son essence : par un don total, infini. Où se fera donc l'union du créateur et de la créature, de la victime et du bourreau ? Dans la douleur, qui leur est commune à tous les deux.

     Nous sommes au centre de ce drame immense, nous sommes au cœur même de la Très Sainte Trinité. Quoi donc ? En Dieu, cette espèce d'incompréhensible orage ? Cela vous paraît incroyable en effet, parce que vous n'imaginez qu'un bon Dieu raisonneur, une intelligence organisatrice. Mais la définition de Dieu n'est pas celle-là d'abord : Il est d'abord charité. Dieu est l'Amour absolu. L'Amour absolu ! Au mouvement de notre misérable cœur, tâchez de mesurer cette force inouïe ! Nous vivons à l'aise, inconscients, au milieu de ce tourbillon formidable dont le moindre écart de son inflexible spire, s'il était toutefois possible, irait déracinant les mondes. Pour l'amour, rien n'est médiocre, tout est grand. La plus petite part de ce qu'il aime lui est non moins précieuse, urgente, nécessaire. La raison rebrousse au seul penser de ce prodigieux appel qui a fécondé le chaos, qui emporterait le plus puissant des anges comme un fétu et qui vient pourtant expirer, suppliant, insatiable, inassouvi, à l'oreille d'un petit enfant.

     La douleur. Elle est le pain que Dieu partage avec l'homme. Elle est l'image temporelle de la possession divine à laquelle nous sommes appelés. Pourquoi vous effrayez-vous des paroles si simples par quoi j'essaye de rendre sensible une vérité élémentaire : à savoir que Dieu demande à ses amis privilégiés ce qu'il a donné lui-même, une souffrance de surcroît ? Une parole pouvait nous sauver, mais l'amour a d'autres voies que la raison, ou plutôt va la rejoindre bien au delà de notre entendement. Il n'avait à donner d'une parole. Il a donné sa Vie. Certes, l'auteur du Mal n'est pas l'homme. L'Ange rebelle n'a dit non qu'une fois, mais une fois pour toutes, et dans un acte irréparable où toute sa substance est engagée. La partie ne se joue plus aux enfers ; elle se joue désormais au cœur de l'Homme-Dieu, où l'Humanité a sa racine, ce cœur percé d'une lance, et où notre race elle-même ouverte mêle son sang prodigué sans mesure. Pour nous tous qui ne savons pas – ou si mal ! – qui vivons comme des bêtes, aussi totalement ignorants du signe dont nous sommes marqués, quelques-uns souffrent et meurent, non pas en vain. Du désespoir qui l'exerce jusqu'au martyre, mon pauvre Donissan n'est point tout à faire irresponsable, car il a fait, sans le savoir, un vœu sacrilège. Mais il est dans l'ordre que Dieu fasse servir cette faute à ses desseins. Ne l'ai-je pas dit ? Ne l'ai-je pas écrit ? Ce désespéré jette l'espérance à pleines mains.

Georges Bernanos

lundi 17 juin 2013

Nul n'est triomphant !




Nul n'est heureux et nul n'est triomphant.
L'heure est pour tous une chose incomplète ;
L'heure est une ombre, et notre vie, enfant,
     En est faite.

Oui, de leur sort tous les hommes sont las.
Pour être heureux, à tous – destin morose ! –
Tout a manqué. Tout, c'est-à-dire, hélas !
     Peu de chose.

Ce peu de chose est ce que, pour sa part,
Dans l'univers chacun chercher et désire :
Un mot, un nom, un peu d'or, un regard,
     Un sourire !

La gaîté manque au grand roi sans amours,
La goute d'eau manque au désert immense.
L'homme est un puits où le vide toujours
     Recommence.

Victor Hugo, Les Contemplations.

lundi 3 juin 2013

Rien n'est beau comme une cérémonie catholique !



ien n'est beau comme cet instant solennel des cérémonies catholiques, alors que les prêtres, vêtus de leurs blancs surplis ou de chapes étincelantes, marchent lentement, précédant le dais et suivant la croix d'argent qu'éclairent les cierges par-dessous, et qui coupe de son éclat l'ombre des voûtes dans laquelle elle semble nager, comme la croix, il y a dix-huit siècles, sillonna les ténèbres qui couvraient le monde. » 

Jules Barbey d'Aurevilly

samedi 1 juin 2013

Du choix d'un état



e choix d'un état est d'une souveraine importance. Nos pères disaient que pour bien choisir il fallait implorer l'inspiration de Dieu, car il faut prendre la voie qu'Il veut. Il n'y a pas mieux à dire. Réfléchissons pieusement et sérieusement à l'avenir que nous nous traçons d'avance parmi les hommes, et prions. Lorsque nous aurons entendu dans notre cœur la voix divine qui nous dira, non pas un seul jour, mais des semaines entières, des mois entiers, et chaque fois avec une nouvelle force de persuasion : « Voici l'état que tu dois choisir ! », obéissons à cette voix avec une ferme et courageuse volonté. Entrons dans cette carrière, et marchons en avant, en y portant les vertus qu'elle demande.

     Avec le secours de ces vertus, toute profession est excellente pour qui en a la vocation. Le sacerdoce, qui épouvante celui qui l'a embrassé légèrement et ayant encore dans le cœur le goût du siècle, n'a que délices et honneur pour l'homme pieux et recueilli ; la vie monastique elle-même, que beaucoup dans le monde regardent, les uns comme intolérable, les autres même comme ridicule, n'a que délices et honneur pour le religieux qui ne se croira pas inutile à la société parce qu'il n'exerce sa charité qu'au profit de Dieu, de quelques autres moines et de quelques pauvres laboureurs. Le noble métier des armes a un charme infini pour quiconque se sent au cœur du courage et comprend que s'il est quelques chose de glorieux, c'est assurément d'exposer ses jours pour son pays.

     Chose admirable ! tous les états, depuis les plus brillants jusqu'à celui de l'humble artisan, ont leur douceur et une dignité véritable. Il ne faut que vouloir faire la volonté de Dieu et pratiquer les vertus que réclame chaque profession. C'est parce qu'un trop petit nombre les pratique ou perd de vue Dieu, que si souvent on entend les hommes maudire la condition qu'ils ont choisie.

     Lorsque nous aurons prudemment fait choix d'une voie, n'allons pas imiter ces gens qui se lamentent éternellement. Ne nous laissons agiter d'aucun vain regret, d'aucune velléité de changement : restons à notre place. Tout chemin de la vie a ses épines. Dès que nous avons posé le pied dans l'un de ces chemins, poursuivons coûte que coûte. Reculer, c'est lâcheté. Il est toujours beau de persévérer, excepté dans le mal, et celui-là seul qui sait persévérer dans ce qu'il a entrepris, peut se flatter de devenir un honnête homme ou une prud'femme.

jeudi 30 mai 2013

Vertu fondamentale de la prière




a prière est le plus grand acte, l'acte humain par excellence. L'homme qui prie confesse par là même sa faiblesse originelle, son néant, sa dépendance, et en même temps proclame la grandeur et la toute-puissance de Dieu, qu'il reconnaît comme son créateur et son père ; par cet acte d'humilité, il se met lui-même à son rang, qui est d'être ici-bas au sommet de la Création, entre le Ciel et la Terre. L'homme n'est grand qu'à genoux.

lundi 27 mai 2013

A la douleur en proie...





Élève ta pensée aux cieux, 
Âme immortelle, à la douleur en proie, 
Et même en gémissant tu goûteras la joie. 
Elle se révèle à tes yeux 
De l'auteur de tous biens la sagesse profonde.
La douleur fut donnée au monde 
Afin d'engendrer la vertu. 
C'est dans ce rude apprentissage,
Que, bien loin d'en être abattu, 
S'instruit, se fortifie et s'élève le sage.

samedi 25 mai 2013

L'homme est un voyageur




'homme est un voyageur. Ô homme ! marche vers ton but. Prends garde que la nuit ne te surprenne en route, et que le jour de ta vie baisse avant que tu aies avancé dans la vertu. Sur ton chemin tu vois les objets divers défiler sous tes yeux, mais tu regardes à peine, car il faut marcher et tu ne peux t'arrêter. Voici les arbres en fleur, les herbes verdoyantes, les fontaines limpides qui attirent tes regards. Il te plairait de les contempler ; mais non, le temps presse, et ce spectacle charmant est déjà loin de toi. Mais voici que tout est changé ; un chemin âpre et pierreux, des rocs escarpés, des montagnes à pic et des forêts épaisses se dressent devant tes yeux ; à cette vue ton cœur se serre, mais tu es bientôt passé. Telle est la vie humain, ni les biens n'y sont durables, ni les maux permanents. Que ni les uns ni les autres ne retardent tes pas, marche au but, mais commence par bien choisir ton chemin.

S. Ambroise

vendredi 24 mai 2013

L'Europe c'est l'Église !





otre civilisation a été fondée par l'Église, par ses mains, par ses sueurs et par son sang ; elle a créé la liberté en abolissant l'esclavage antique, elle a donné la dignité de la femme établie sur le mariage indissoluble, elle a donné aux États la meilleure constitution fondée sur l'obéissance de tous au souverain temporel subordonné aux lois divines. La sauvagerie moderne fait exactement le travail inverse : elle asservit l'homme à ses passions les plus viles, ravale la femme au statut de créature de plaisir par le divorce et prêche la révolution permanente face à l'autorité. Le monde contemporain est un retour à la barbarie, pire que celle des Goths et des Vandales, qui détruisaient pour construire : le monde moderne ne construit rien, il est une pure force négative, une étoile noire couvée entre les griffes de Satan.

jeudi 23 mai 2013

Dilatato corde







a religion ne consiste pas dans une scrupuleuse observation de petites formalités ; elle consiste pour chacun dans les vertus propres de son état. Faites pour l'amour de Dieu tout ce que son amour vous inspirera, mais commencez par les devoirs de l'état où il vous a mis. Souvenez-vous que le joug de la religion n'est pas un fardeau, mais un soutien. L'obéissance, loin d'être une servitude, est un secours donné à notre faiblesse. Vous ferez tout ce que font les autres, excepté le péché ; le vrai chrétien n'est ni sauvage, ni épineux, ni scrupuleux, mais il a au dedans de lui-même un principe d'amour qui élargit son cœur. 

Fénélon

mardi 21 mai 2013

Méditations sur les mystères douloureux du Rosaire



Premier mystère douloureux : l'Agonie de Notre-Seigneur Jésus-Christ au Jardin des Oliviers.

Fruit de ce mystère : une plus grande contrition pour nos péchés.





otre-Seigneur, après son ultime repas avec ses apôtres bien aimés, sentant que l'heure terrible de sa Passion est toute proche, se retire à Gethsémani pour prier son Père. Il fait sombre et froid au milieu des arbres noirs du jardin ; tout est immobile et silencieux : la nuit est déjà bien avancée. Pierre, Jacques et Jean, les disciples qui l'ont accompagné jusqu'ici, se sont endormis dans le bosquet obscur. Jésus est seul. Il est seul au cœur des ténèbres et de l'angoisse. Lui qui voit distinctement l'horreur de ce que va devoir supporter pour le genre humain sa pauvre chair d'homme, ne trouve personne pour le consoler dans l'affliction de son âme. Tout le calice redoutable de sa Passion lui est présent sous les yeux, et à cette vue, son cœur mortel défaille. Mais Jésus, malgré l'extrême dégoût que ressent sa nature humaine à approcher les lèvres de cette coupe de douleur, considérant plutôt la volonté de son Père et le salut des hommes, accepte par obéissance filiale de la boire jusqu'à la lie.

Contemplons Notre Sauveur dans sa suprême Agonie. Ne s'apprête-t-Il pas à nous donner l'enseignement le plus puissant, quoique le plus effrayant, de sa vie adorable ? Car sa Passion constitue tout un programme d'éducation intérieure. Tous les secrets de la vie spirituelle sont à Gethsémani et sur le Calvaire. Tous les moyens de réforme personnelle sont visibles d'une manière éclatante au Golgotha. Toute la vérité sur notre condition de pèlerin en marche vers la Patrie éternelle est enclose dans le Vendredi-Saint. Alors ne tardons pas : mettons-nous à l'école de notre bon Maître. Apprenons de Lui que nous sommes sur cette terre dans un temps d'angoisse et de tribulations, de peine et d'effort, de sacrifice et de souffrance ; nous en faisons l'expérience tous les jours, et le poids de notre marche, aujourd'hui, en est aussi un vibrant rappel. Le Jardin de l'Agonie n'a rien de commun avec le premier Jardin, celui d'Adam, fait tout de délices ; le Jardin de Jésus est au contraire un jardin de supplices, où, selon l'Évangile, Notre-Seigneur sue de grosses gouttes de sang. Image traumatisante pour notre sensibilité, mais qui exprime de la manière la plus saisissante l'angoisse du Sacré-Cœur devant la mort prochaine et les tortures à subir. Pourquoi un tel exemple ? Quelle leçon en tirer ? C'est un père chartreux qui nous la livre, en une sentence admirable : «ce n'est qu'en nous faisant marcher dans les traces sanglantes du Christ que l'action de la grâce triomphera en nous»




Deuxième mystère douloureux : la Flagellation de Notre-Seigneur.

Fruit de ce mystère : la mortification de la chair.





otre-Seigneur, couvert de coups et de crachats, sous la pression de la foule, est emmené à l'écart pour être flagellé. Dieu Lui-même, Jésus-Christ, est lié à une colonne comme un vulgaire faussaire, comme le pire des brigands. Mais comme un agneau conduit à l'abattoir, Il n'ouvre pas la bouche, et courbe l'échine face à ses bourreaux. Lui qui est l'Innocence même va recevoir le châtiment des criminels, celui qui nous était destiné pour nos péchés sans nombre. Il se soumet, et par amour pour ses brebis les hommes accepte de concentrer sur Lui la souffrance expiatrice. Pleuvent alors les coups des soldats romains, innombrables, qui déchirent son pauvre corps sanglant. Le Christ est presque battu à mort : sa faiblesse sur le chemin du Calvaire et le peu de temps qu'il mettra à mourir sur la Croix laissent deviner la cruauté des soldats romains, qui le transformèrent en une plaie vivante.

Contemplons Notre-Seigneur noyé dans la souffrance physique. Il aura tout vécu parmi nous, commençant sa vie publique par la joie légère des Noces de Cana, et terminant sa vie terrestre par les douleurs affreuses de la Passion. Mais c'est surtout par cette dernière qu'Il nous rejoint le plus complètement : Dieu descend Lui-même chercher l'homme assis dans l'ombre de la mort ; Il ne dédaigne pas de partager avec lui le pain de la souffrance, son véritable pain quotidien depuis la Chute. Oui, Dieu a vécu tout ce que nous vivons, hormis le péché. Dieu souffre avec nous, Dieu souffre par nous, Dieu souffre pour nous. En sanctifiant par sa propre expérience la souffrance humaine, Il la revêt d'une valeur infinie, d'un sens éternel. Si Dieu a souffert, c'est que la souffrance n'est pas vaine : elle a un sens et un prix. Parfois ce sens nous échappe ou nous révolte, mais il ne laisse pas d'exister. Jésus nous enseigne par son exemple que la souffrance a deux raisons générales : elle est soit un châtiment, soit une épreuve ; et le plus souvent les deux en même temps. La souffrance est donc un moyen de retour vers Dieu par l'expiation de nos péchés et la preuve pratique que nous l'aimons, et c'est en cela qu'elle est précieuse. Oui, la souffrance est précieuse, et c'est même un privilège de notre nature humain, que ne connaissent pas les anges : nous avons le privilège de pouvoir souffrir pour Dieu. L'idée est forte, la proposition est peut-être choquante de prime abord, mais cette vérité explique entre autres que nous soyons destinés à une gloire immense en Paradis, supérieure à celle des anges. Aussi, ce que nous avons à faire, c'est d'unir toutes nos peines quotidiennes avec celles de Jésus et d'offrir à Dieu toutes nos épreuves avec amour et abandon. Que les fatigues de la marche, l'ardeur du soleil ou nos pieds échauffés soient pour nous, pendant ce pèlerinage, le moyen de rejoindre Jésus dans sa Passion, et de montrer concrètement, par nos ampoules et nos courbatures, que nous l'aimons par-dessus tout. Quelle preuve d'amour supérieure à celle-ci ?





Troisième mystère douloureux : le Couronnement d'épines.

Fruit de ce mystère : la mortification de l'orgueil.






otre-Seigneur est traîné dans le prétoire, presque mort. Là les soldats romains s'assemblent autour de Lui. Ayant entendu de Jésus qu'Il est appelé le roi des Juifs, ils imaginent une mise en scène outrageuse pour se moquer de Lui. Voilà qu'on apporte un vieux manteau de pourpre, symbole du pouvoir, et qu'on le pose sur les épaules lacérées du Christ. Voilà qu'on lui met dans la main un roseau en guise de sceptre impérial. Enfin, les soldats tressent une couronne d'épines et la lui enfoncent sur la tête, perçant son front sacré de blessures supplémentaires. Ça y est, le roi a tous ses attributs, et les soldats se mettent à courber le genoux devant lui en s’esclaffant, jouant la déférence par dérision, crachant sur Lui, l'insultant. Après avoir bien ri, les soldats ramènent le captif à Pilate qui le présente au peuple : « Ecce Homo ! »

Chrétien, contemple ton Roi qui s'avance devant toi ! Il n'est pas d'abord le Roi de gloire que tu as appris à adorer au Ciel, mais un Roi de douleur sur la Terre, couronné d'épines, couvert d'un manteau humide de sang, et muni d'un pauvre sceptre en roseau. Considère-Le tout entier livré à l'opprobre de l'univers, d'abord souffleté par les juifs, puis outragé par les Romains. Voilà ton Roi, chrétien, qui pour l'amour de toi à bien voulu, tout Dieu qu'Il est, subir l'humiliation publique, être traité comme un scélérat, et voir sa royauté insultée. Lui qui est est Dieu, l'Infini, le Verbe éternel, le Tout-Puissant, l'Être suprême, le Parfait, le Démiurge, le Médiateur, le Souverain de l'Univers, l'Auteur de la Vie, le Suzerain des Astres, le Maître de la Terre, le Premier Né, le Juge du monde, l'Oint du Seigneur, le Roi de la Création, est moqué par tous, réduit à l'état de prisonnier, plus mal traité que l'infâme Barabas. Quelles leçons d'humilité ne retirera-tu pas, chrétien, de voir ton Roi dans pareil abaissement ? Lui qui est la Majesté en personne est descendu de son Trône éternel pour prendre sur son corps toute ta misère. Contemple sa chair retournée par les impacts de fouets garnis de balles de plomb et de fragments d'os tranchants ; tu peux y lire tous tes péchés, écrits en caractère de sang sur son Corps sacré. N'oublies jamais, chrétien, que si tu avais été seul au monde, ce bon Roi serait descendu tout pareil pour subir la même Passion et te sauver par son humiliation. Contemple son front ouvert qui ruisselle de douleur ; tu peux y lire combien Jésus t'aime, d'un Amour digne de Lui : inconditionnel, oblatif, absolu. Quelles leçons d'humilité ne retirera-tu pas, chrétien, de voir ton Roi pour toi déposer sa couronne d'or pour ceindre celle d'épines  ?




Quatrième mystère douloureux : le Portement de la Croix.

Fruit de ce mystère : la patience dans les épreuves.




otre-Seigneur vient d'être condamné à mort ; Pilate, par crainte du peuple, livre Jésus à la foule et se range à son souhait : le faire crucifier. La flagellation, l'humiliation, la torture, cela ne suffit pas aux juifs : ils veulent voir le Christ pendu à une croix et qu'Il y meure comme le dernier des hors-la-loi. Le Christ doit porter l'instrument de sa mort, cette croix si lourde, si grande, jusqu'au lieu d'exécution. Il est épuisé, blessé, tourmenté par la soif, mais au moment de se charger du bois redoutable, Il pense à toutes ses brebis, à toutes les chères brebis de son troupeau, qui pour être sauvées doivent être rachetées par cette Croix ; alors, puisant dans ses dernières forces, il embrasse l'instrument de son supplice et le hisse sur ses épaules sanglantes. On prend donc le chemin du Calvaire. Le Christ se traîne péniblement à travers Jérusalem, à travers une foule déchaînées qui lui jette des pierres, l'injurie, le frappe ; les soldats romains, impatients, lui assènent des coups de fouet pour qu'Il avance plus vite. Jésus n'a plus de force, Il titube, Il s'arrête, Il tombe ; une fois, deux fois, trois fois. Le Christ ne peut plus avancer ; il gît par terre, incapable de se relever sous la Croix qui l'écrase. Alors on force un homme, Simon de Cyrène , à l'aider, quoiqu'il se montre réticent d'approcher un condamné à mort. Le cortège se remet en marche. On passe la porte de Jérusalem, et après une dure montée, on atteint enfin le sommet du Golgotha.

Contemplons Notre-Seigneur porter sa croix, concentré sur son ultime effort, allant au bout de ses forces, tombant mais se relevant toujours, jusqu'à ce que son corps le trahisse complètement. Jésus met en pratique, pour l'exemple de toutes les générations, cette sentence radicale qu'Il prononça un jour : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple » . Si donc nous voulons être les disciples du bon Maître, nous devons le suivre courageusement avec nos croix personnelles, et nous en avons tous. Inutile de s'inventer des croix, chacun en trouvera bien assez à porter dans sa propre existence, aujourd'hui ou demain, car nulle vie ici-bas n'est exempte d'épreuves : telle est notre condition de créature déchue. Ne soyons pas comme Simon de Cyrène, qui refusa d'abord de porter la Croix avec Jésus ; soyons plutôt comme sainte Véronique, qui se tint près du Christ et essuya avec compassion son visage plein d'entailles, de sueur et de sang. Le Chemin de Croix est la parfaite figure de notre vie terrestre et spirituelle: nous apprenons par lui la nécessité de se relever toujours. Le plus grand effort n'est pas de ne pas tomber, mais de se relever infailliblement et de progresser sans cesse, patiemment, pour atteindre la fin. Profitons donc ce pèlerinage pour nous unir concrètement à Jésus portant sa Croix : goûtons avec Lui à la longueur du trajet, à la difficulté de la marche, à la morsure du soleil, à l'ardeur de la soif. Relevons-nous des haltes trop courtes du pèlerinage comme Jésus se releva sous la Croix. Apprenons la patience dans les épreuves par la patience de la marche. Le chemin est pénible, mais c'est Dieu qui nous attend au bout.




Cinquième mystère douloureux : la Crucifixion de Notre-Seigneur Jésus-Christ et sa Mort sur la Croix.

Fruit de ce mystère : un plus grand amour envers Dieu et les âmes.




otre-Seigneur est arrivé au sommet du Golgotha ; Il a les épaules écrasées, le corps déchiré, le front sanglant ; Il est épuisé par la marche, par la souffrance, par la chaleur, par la soif... Pourtant les tortures ne sont pas finies, et reste à affronter la pire de toutes. Les soldats romains se saisissent de Jésus, lui enlèvent sa tunique trempée de sang et l'étendent sur la Croix, où ils le fixent en lui enfonçant d'énormes clous dans les mains et dans les pieds, avant de dresser aux yeux du monde le gibet d'infamie sur lequel le Fils de Dieu pend lamentablement. La foule des juifs continue de rire ; les pharisiens le raillent, les soldats romains jouent aux dés et boivent... Jésus, du haut de sa Croix, est seul, seul en face de l'insupportable douleur, seul face au monde à racheter. Les bras tendus en hauteur, tétanisés par cette cruelle position, le Christ a du mal à respirer, et doit s'appuyer sur les clous de ses pieds pour ne pas s'étouffer. Après trois heures de souffrances atroces, vers la neuvième heure, le Christ émet un dernier cri de douleur et de détresse, d'abandon et de tristesse, d'angoisse et d'agonie, puis lentement incline la tête et rend son dernier soupir. Tout est accompli. Le Christ est mort. Un silence horrible se fait dans sa divine poitrine : son cœur, son divin cœur, son Sacré-Cœur a cessé de battre ; le sang se circule plus ; le froid de la mort s'empare de Lui. Alors soudain le ciel s'obscurcit, la terre tremble, l'univers entier est en deuil... On décroche Jésus de la Croix et on le rend à sa Mère. Qui donc pourra décrire le visage de la Vierge, consumé par le chagrin, les yeux brûlés de pleurs, le teint livide d'affliction ? Qui donc pourra rendre les plaintes de Madeleine, effondrée aux pieds du cadavre silencieux de Jésus, ou la détresse de saint Jean, le disciple bien-aimé du Christ ? C'est dans une fin d'après-midi sombre et terrible que l'on emporte la pauvre dépouille de Jésus vers un tombeau neuf, où sa Mère l'y dépose de ses propres mains. La pierre est roulée : désormais celui qui est la Vie dort du sommeil de la mort dans ce caveau solitaire, attendant de se relever glorieux et vainqueur le matin de Pâques.

« Dieu s'est anéanti jusqu'à la chair, jusqu'à la mort, jusqu'à la croix : qui appréciera à sa juste valeur ce que fut l'humilité, la douceur, la générosité du Seigneur en revêtant la chair, en étant condamné à mort, en étant soumis à la honte de la croix ? « Mais, dira-t-on, le Créateur n'aurait-il pas pu réparer son œuvre sans que ce soit si difficile ? » Il aurait pu, mais il a préféré le faire à ses dépens, pour que le vice détestable et odieux de l'ingratitude n'en prenne pas occasion pour s'introduire en l'homme. Oui, il a assumé de grands travaux, et par là l'homme lui devrait un grand amour, la difficulté de la rédemption éveillant en lui une action de grâce que la facilité de la création n'avait guère suscité. Que disait, en effet, l'homme ingrat, de sa création ? « J'ai été créé gratuitement, et cela n'a coûté ni travail, ni fatigue, à mon créateur : il lui a suffi d'ouvrir la bouche pour que je sois, comme pour tout ce qui est. » Et l'homme s'en est fait une excuse pour ses péchés.

Mais maintenant, ce que tu as coûté à Dieu est plus clair que le jour, ô homme ! Il n'a pas dédaigné, lui, le Seigneur, de se faire esclave ; lui, le riche, de se faire pauvre ; lui, le Verbe, de se faire chair ; lui, le Fils de Dieu, de se faire fils de l'homme. Rappelle-toi donc que s'il t'a fait de rien, il ne t'a pas racheté pour rien. »

S. Bernard, sermon 11 sur le Cantique des cantiques.




mercredi 15 mai 2013

Dieu nécessaire à l'homme et à la société




n ne fonde pas une société sur la négation de Dieu, c'est-à-dire sur le néant. Toute croyance sincère, même peu éclairée, est une source d'ardeur généreuse, de dévouement et de courage... Celui qui n'attend rien que de la terre est voué fatalement à cet égoïsme étroit, signe de la décadence des peuples, principe de haine et de désordre. La Religion avec ses enseignements est nécessaire pour guider l'homme dans la voie droite ; sans elle il ne pourra résister aux faiblesses de sa nature et aux embûches du monde ; mais, en parlant seulement au point de vue humain, il ne suffit pas de lui apprendre à bien user de son esprit, il faut aussi lui apprendre à régler ses passions et à former sa volonté, il faut embrasser également toutes ses facultés dans les préceptes qu'on lui donne ; en négliger quelqu'une, c'est négliger une partie de sa nature, c'est le laisser incomplet. Il n'a pas trop de tous ses moyens pour arriver à la fin qu'il doit se proposer, le Bien suprême, Dieu Lui-même. Puisqu'il est à la fois pensée, passion et volonté, il importe que la morale qu'on lui trace ait pour objet de cultiver en lui, avec un soin égal, l'âme, le cœur et le caractère. C'est là qu'en doit venir toute éducation et toute constitution politique qui veut être utile et vraie.

mardi 14 mai 2013

L'Église est Sainte car Jésus-Christ est la Sainteté incarnée





n voit des personnes qui donnent pour raison de leur éloignement de la Religion Catholique les fautes de tel ou tel chrétien ou l'ambition de certains papes dans l'histoire. Ils perdent de vue que Jésus-Christ, en fondant son Église, n'a pas promis que tous les membres en seraient irréprochables. Il a dit seulement que Lui-même et son enseignement seraient là, dans cette Église, comme jadis Il se tenait au milieu de ses apôtres (qui ne furent pas toujours, dans l'Évangile, exemplaires), et c'est uniquement là que la vraie doctrine sur Dieu et l'homme s'est maintenue invariable. Le flambeau de la foi n'est pas semblable à ces feux terrestres qui s'affaiblissent et s'éteignent dans les lieux privés d'un air pur : la lumière évangélique a conservé tout son éclat au milieu de la corruption, dans les mains des pontifes indignes comme dans celles des plus saints.

lundi 13 mai 2013

Les Hiboux





Sous les ifs noirs qui les abritent
Les hiboux se tiennent rangés,
Ainsi que des dieux étrangers,
Dardant leur œil . Ils méditent.

Sans remuer ils se tiendront,
Jusqu'à l'heure mélancolique
Où; poussant le soleil oblique,
Les ténèbres s'établiront.

Leur attitude au sage enseigne
Qu'il faut en ce monde qu'il craigne
le tumulte et le mouvement ;

L'homme ivre d'une ombre qui passe
Porte toujours le châtiment
D'avoir voulu changer de place.

Charles Baudelaire

samedi 11 mai 2013

Restauration par la famille




La famille aujourd'hui c'est tout ce qui nous reste
Pour fermer de nos maux la blessure funeste.
Ce n'est point par l'épée que nos enfants vaincront,
Mais par le signe auguste imprimé sur leur front.
Faites-nous des sauveurs et non des tueurs d'hommes ;
Donnez-nous ce qui manque à l'époque où nous sommes,
Des chastes et des forts et de vaillants esprits
Sachant devant l'athée acclamer Jésus-Christ.
Donnez-nous des lutteurs retenant à distance
Tous ces efféminés, fruit de la décadence,
Et ravivant partout les mâles souvenirs
Que des monts vénérés nous envoient des martyrs ;
La France alors, rendue à sa verdeur première,
Échappant à la nuit, marchant à la lumière,
Pour l'élever au ciel, où sont ses vrais destins,
Comme autrefois Monique, aura ses Augustins.
Sortez d'ici, bons fils, bons parent et bons frères,
Amis des plaisirs purs, des croyances sévères ;
Dans l'Église et l'État gardez votre unité,
Bon citoyens du temps et de l'éternité.
De la Sainte-Famille adoptions les trois fêtes,
Ces trois haltes pour vous et le bien que vous faites,
De Marie à Joseph, de Joseph à Jésus,
Vous mènent par étape au séjour des élus. 

M. Claudius Hébrard

mercredi 8 mai 2013

Dilemme





Vraiment c'est incroyable (et c'est bien affligeant) !
Comme le cœur se perd dans notre siècle, et comme
Nous avons pris pour Dieu la matière et l'argent !
Je m'en rapporte à vous, combien de fois en somme
Vous a-t-on dit, mon cher, que quelqu'un était bon ;
En revanche combien de fois qu'il était riche ?
Vante-t-on la vertu ? vous savez bien que non !
La fortune, voilà, partout, ce qu'on affiche.
Je voudrais être un peu moins misanthrope, mais
J'entends autour de moi : beau cheval ! belle femme !
C'est-à-dire beau corps ! jamais, au grand jamais,
Je n'entends ces deux mots, si doux pourtant : belle âme !
Ce dilemme dès lors ne peut être évité ;
Il s'impose implacable, absolu, nécessaire :
Ou nous ne savons plus comprendre la bonté,
Ou bien nous n'avons plus d'âmes bonnes sur terre.

Paul COLLIN

mardi 23 avril 2013

Prière de pèlerin





Dieu qui avez conduit l'exode de votre peuple, le jour par la colonne de brumes, la nuit par la colonne de feu, guidez chacun de mes pas, afin que je marche, sans égarement ni retard, dans la bonne route. Seigneur, qui par l'intermédiaire de l'ange Raphaël avez conduit le jeune Tobie vers un but salutaire, faites que ce pèlerinage, entrepris pour votre gloire, profite à la santé de mon corps et à l'équilibre de mon âme. Ô Vous qui avez accompagné et protégé la Sainte Famille lorsqu'elle fuyait la rage du tyran et la chasse des mercenaires, permettez-moi d'échapper à la poursuite folle des passions, aux embuscades du péché et à la haine de celui qui rôde, comme un lion cherchant sa proie.

Ô Jésus, soyez mon compagnon de chemin, comme vous fûtes celui des Apôtres, des Disciples, des Saintes Femmes. Enseignez-moi, éduquez-moi au cours de ces étapes, de sorte qu'elles me soient une retraite et une préparation à l'accomplissement de vos œuvres. Comme à la Samaritaine que vous avez rencontrée au bord du puits, révélez-moi les sources vives, dont l'eau calme à jamais les soifs de certitude et de béatitude.

Esprit-Saint, qui avez porté les prophètes par les déserts de sable ou les étendues maritimes, soufflez sur mes yeux afin qu'ils sachent voir partout, en toute créature, la Sainte Trinité, sur ma bouche, afin qu'elle ne dise et ne chante que la Vérité qui délivre. Ouvrez mon cœur à la beauté du monde, à la splendeur joyeuse des formes sensibles, pour que toutes mes rencontres soient autant de louanges à Dieu et d'occasions d'amour, toutes les créatures autant d'échelles vers le Créateur.

Notre-Dame des Chemins, saints patrons de la route, mon ange gardien, écartez de moi tous les périls. Par-dessus tout, que la volonté de Dieu s'accomplisse, même si elle paraît à mon désavantage corporel. Sous l'ombre de vos ailes, ô mon Dieu, et de votre amour, je me mets en route.

Prière de pèlerin

dimanche 14 avril 2013

Seigneur Jésus, maître de la Route




Seigneur Jésus, qui m'avez établi en marche vers le Ciel,
Faites que la route, toujours à notre porte,
Soit une invite continuelle à servir.
Que son grand air et ses difficultés
Servent à la santé de mon corps,
Comme à l'équilibre de mon âme.
Qu'elle m'enseigne à prendre le temps comme il vient,
Les gens comme ils sont,
Et le Bon Dieu comme Il veut.
Que sa longueur m'apprenne
Le jusqu'au bout des vies qui valent la peine d'être vécues.
Que ses carrefours me soient occasion de choisir,
A l'ombre des calvaires,
Ce qui est loyauté vraie, et vie abondante.
Je vous le demande, Seigneur,
A Vous qui êtes la Route,
La Vérite et la Vie.
 
Amen.

Prière de routier

samedi 13 avril 2013

Marie, guidez nos pas !





Mère, qui guidiez nos premiers pas d'enfants,
Voici notre départ sur les chemins des hommes,
Déjà nos pieds sont criblés d'épines, attendant la douceur de votre main de femme.
Déjà nos voies se croisent incertaines, appelant dans la nuit l'étoile de Bethléem,
Splendides et terribles seront nos lendemains,
Fleurissez nos sentiers de force et de tendresse,
Ô Notre Dame de la route pour qu'ils nous mènent à Dieu et rien qu'à Lui.

Prière de routier

vendredi 12 avril 2013

Terre natale




Voilà le banc rustique où s'asseyait mon père,
La salle où résonnait sa voix mâle et sévère
Quand les pasteurs, assis sur leurs socs renversés
Lui comptaient les sillons pour chaque heure tracés...
Voilà la place vide où ma mère à toute heure,
Au plus léger soupir sortait de sa demeure,
Et, nous faisant porter ou la laine ou le pain,
Vêtissait l'indigence ou nourrissait la faim...
Voici l'étroit sentier où, quand l'airain sonore
Dans le temple lointain vibrait avec l'aurore,
Nous montions sur sa trace à l'autel du Seigneur
Offrir deux purs encens, innocence et bonheur !
Voilà le peuplier qui, penché sur l'abîme,
Dans la saison des nids nous berçait sur sa cime,
Le ruisseau dans les près, dont les dormantes eaux
Submergeaient lentement nos barques de roseaux,
Le chêne, le rocher, le moulin monotone,
Et le mur au soleil où, dans les jours d'autone,
Je venais, sur la pierre assis près des vieillards,
Suivre le jour qui meurt de mes derniers regards...
Mais, hélas ! l'heure baisse et va s'évanouir !
La vie a dispersé, comme l'épi sur l'aire,
Loin du champs paternel les enfants et la mère, 
Et ce foyer chéri ressemble aux nids déserts
D'où l'hirondelle a fui pendant de longs hivers !







Bientôt peut-être... Écarte, ô mon Dieu, ce présage !
Bientôt un étranger, inconnu du village,
Viendra l'or à la main, s'emparer de ces lieux
Qu'habite encor pour nous l'ombre de nos aïeux,
Et d'où nos souvenirs des berceaux et des tombes
S'enfuiront à sa voix, comme un nid de colombes
Dont la hache a fauché l'arbre dans les forêts,
Et qui ne savent plus où se poser après !
Ne permets pas, Seigneur, ce deuil et cet outrage !
Ne souffre pas, mon Dieu, que notre humble héritage
Passe de main en main traqué contre un vil prix,
Comme le toit du vice ou le champ des proscrits !
Qu'un avide étranger vienne d'un pied superbe
Fouler l'humble sillon de nos berceaux sur l'herbe,
Dépouiller l'orphelin, grossir, compter son or
Aux lieux où l'indigence avait seule un trésor,
Et blasphémer ton nom sous ces mêmes portiques
Où ma mère à nos voix enseignait tes cantiques !

Lamartine