lundi 5 août 2013

L'Angélus





ne petite cloche, qu'on ne voyait pas, vint à tinter tout près de là. Ce n'était pas la faible clochette d'une de ces mousseuses chapelles d'ermite, bâties jadis dans les profondeurs des bois, car les églises ne se rouvraient point encore. C'était la tinterelle de quelque hutte de sabotier qui marquait les heures et la fin du travail et de la journée. Mais pour Marie Hecquet, cette femme antique, restée ferme de cœur dans la religion de ses pères et dans les souvenirs de son berceau, ces sept heures sonnant, n'importe où, étaient demeurées l'heure bénie qui descendait autrefois des clochers, à présent muets, dans les campagnes, et qui conviaient à la prière du soir. Aussi, dès qu'elle les entendit, elle laissa retomber au fond du baquet les linges qu'elle tordait et qu'elle allait étendre au noisetier voisin, et portant sa vieille main mouillée à ce front jaune comme le buis aux yeux des hommes, mais pur comme l'or aux yeux de Dieu, elle se mit, la noble bonne femme, à réciter son Angélus.

Jules Barbey d'Aurevilly, L'Ensorcelée.

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